La révolution française
Héroïques en défense, les Bleus sont revenus d'un 3-13 initial pour signer leur meilleur match depuis longtemps et le plus beau succès de l'ère Lièvremont.
Marc Lièvremont et son staff ne passeront ni pour des cons ni pour des incompétents. Avec sa charnière improbable, son ouvreur pas tellement ouvreur et son buteur pas vraiment buteur, le XV de France a terrassé une équipe galloise qui restait sur huit victoires consécutives dans le Tournoi et rêvait d'un deuxième Grand Chelem de rang. Une victoire indiscutable, même si elle fut discutée jusqu'au bout. Les Diables Rouges vont devoir réviser leurs ambitions à la baisse. Ce sont eux qui ont perdu les pédales au Stade de France. Très pâlichons, ils ont été emportés par l'envie, la détermination et la fougue de Bleus déchainés, portés par la vexation et par la volonté de prouver qu'ils valaient tellement mieux que leur défaite en Irlande et la bouillie de non-match servie contre l'Ecosse. Pour tout dire, on n'a pas reconnu cette équipe de France. Tant mieux.
Les coéquipiers de Lionel Nallet ont survécu à tout, à commencer par une première demi-heure hautement frustrante. Maitres du ballon et du terrain, ils se sont pourtant retrouvés menés 13-3 au bout de 25 minutes. La faute à un triple péché. Un triptyque maudit déjà vu du côté de Croke Park il y a trois semaines: indiscipline, inefficacité offensive, carences défensives. Dans l'affaire, les Bleus y ont laissé deux énormes occasions d'essai, pendant que les Gallois, pourtant bien économes de leurs intentions, trouvèrent la faille grâce au talent de leurs lignes arrières, Lee Byrne inscrivant le premier essai au bout d'une action de 50 mètres initiée par Shanklin. L'affaire sentait alors franchement le moisi et le pays de Galles, plus réaliste que souverain, pouvait néanmoins bomber le torse.
30 minutes de haute volée
C'est là, dans la difficulté, que l'équipe de France a montré une forme de grandeur. L'adversité, elle a baigné dedans toute la semaine. Critiquée, presque moquée, contrainte d'effectuer une préparation de bric et de broc après la journée de Top 14 du week-end dernier, elle a résisté à tout ça. Pas question, dès lors, de lâcher prise face aux Gallois, même avec 10 points dans la musette. Une pénalité de Morgan Parra, puis un essai plein de rage de Thierry Dusautoir après une échappée belle d'Harinordoquy au ras d'une mêlée, et les Bleus ont remis les pendules à l'heure en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. A 13 partout à la pause, le score reflétait nettement mieux la réalité des débats.
Mais on n'avait encore rien vu. Les 30 premières minutes du deuxième acte resteront peut-être comme ce que la France version Lièvremont a livré de plus abouti au cours de l'année écoulée. Les Gallois en ont eu le Poireau qui tourne. 30 minutes si pleines que le sort du match en fut scellé. 30 minutes de haute volée avec en point d'orgue un essai splendide au grand large, inscrit par Cédric Heymans. Sans un petit coup de buis de Morgan Parra au pied (une transformation et deux pénalités manquées), le tenant du titre aurait pu boire complètement la tasse. Reste qu'à 10 minutes du terme, Parra a retrouvé la mire pour donner huit points d'avance aux Bleus.
James Hook vendange
Que pouvait alors craindre cette équipe de France si conquérante? Un coup de pompe physique, et une réaction d'orgueil de son adversaire. Une pénalité de James Hook permit aux Gallois de revenir à portée de fusil. Il s'en est alors fallu de très peu pour que le hold-up des hommes de Warren Gatland soit parfait. Pilonnant les Français sur leur ligne d'en-but, il ne leur a manqué que quelques centimètres pour passer en force, avant que Gavin Henson ne vendange un trois contre un sur l'aile droite! Mais il y aurait eu quelque chose d'injuste dans un pareil dénouement. Les Gallois ne méritaient pas de gagner ce match et les Français méritaient encore moins de le perdre.
Il s'est passé quelque chose vendredi soir. Un frémissement. Le début, peut-être, d'une histoire. Oui, les Bleus nous ont refait le coup de ces Frenchies jamais aussi forts que quand on ne les attend pas. Le coup de l'outsider battu d'avance qui, revenu de nulle part, arrive à ses fins. Ca ne suffit pas à régler toutes les questions soulevées ces derniers temps. Mais ça suffit largement pour ne pas passer pour des cons...
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